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La plume manquante : références et explications

La plume manquante est une nouvelle que j’ai écrite pour le recueil collectif des Plumes Indépendantes, Il était une plume…, sorti en août 2018.

Ceux qui ont lu cette nouvelle l’ont appréciée, et c’est déjà très bien, mais certains ont pu manquer les nombreuses références que j’y avais glissées. Comme souvent, c’est une histoire à double lecture. On peut y voir un conte animalier distrayant et touchant au merveilleux, c’est la première lecture. La seconde est plus complexe et j’ai envie de vous en parler plus longuement (pour une fois que l’auteur consent à dissiper la nébulosité de ses écrits !)

Commençons par les références. Cela commence dès la première phrase « Vous voyez cette plume ? » que j’ai empruntée à un artiste admirable. Vous avez une idée ? Non ? Allez, je vous le dis : Claude Nougaro. Auteur du conte musical Plume d’ange, paru en 1977 sur une musique de Jean-Claude Vannier. Une merveille à lire et à entendre, qui ne pouvait que m’inspirer. Claude Nougaro revient une seconde fois dans La plume manquante, lorsque l’oiseau se trouve face à « un majestueux noyer ». Cela fait à nouveau référence à Plume d’ange, lorsqu’un des personnages (le seul à croire à l’ange du narrateur) lui dit : « Je suis un noyer ! L’arbre. Je suis un arbre. »

D’autres chanteurs se sont immiscés dans cette nouvelle. Jacques Brel, tout d’abord, dans le rôle du personnage cherchant Madeleine, un bouquet de lilas à la main, référence à la chanson Madeleine : « ce soir j’attends Madeleine / J’ai apporté des lilas ». Puis Serge Gainsbourg qui, au bord de la mer, cherche sa mélodie dans un crash d’avion, hommage à son album Histoire de Melody Nelson.

Quelques références littéraires enfin. « Ses ailes de géant » est bien sûr emprunté à L’Albatros de Baudelaire. Et l’infatué personnage qui demande à l’oiseau « Je cherche ma madeleine, l’as-tu mangée ?« , ce ne peut être que Proust et sa Recherche du temps perdu. Quant à l’expression « le bain des fous », c’est une référence plus discrète, puisqu’elle prend son origine dans le poème anglo-saxon Beowulf qui date de la fin du Ier millénaire.

Enfin, une référence artistique quand l’oiseau se trouve dans un désert et rencontre un éléphant à très longues et fines pattes. Ce passage m’a été inspiré par Les éléphants de Dali.

Voilà pour les références. Mais pourquoi en avoir glissé autant ? Soit parce que je manque cruellement d’imagination et l’emprunte de ce fait aux autres. Soit, parce que ces artistes qui m’ont inspirée étaient nécessaires à l’histoire. Nous en venons à la seconde lecture…

Pour ne rien vous cacher, j’étais partie sur un tout autre sujet que l’oiseau déplumé : au début, j’avais l’intention de parler avortement. Mais je n’ai pas osé aborder dans un recueil collectif un sujet si grave et si intime, le réservant à une publication en mon nom propre (Elle s’appelait Micha). Donc, j’ai bifurqué en cours de route. En vérité, même si pour cela il faut lire entre les lignes, je n’ai parlé que de ça.

Et plus généralement, ce conte peuplé d’oiseaux, d’éléphants et de madeleines parle du deuil, du passé dont on est prisonnier. Dans sa recherche de la plume manquante, l’oiseau évolue, son plumage blanc se colore au gré de ses déconvenues. Quand il retrouve sa plume, il n’est plus le même et doit accepter de laisser celle-ci s’envoler. Ce qu’il ne fait pas, s’accrochant bêtement à ce qu’il était. L’oiseau symbolise la part de nous qui refuse le changement et s’entête dans une nostalgie inféconde. Et toutes ces références littéraires, musicales, artistiques, sont autant de figures tutélaires que je convoque dans l’espoir de faire comprendre à l’oiseau son erreur.

Peut-être appréhenderez-vous à présent d’une autre manière La plume manquante. Néanmoins, je laisse à chaque lecteur le soin de l’interpréter à sa manière… C’est tout l’intérêt d’une histoire : elle vibre différemment selon les individus qui la lisent.