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Lustica, Jean-Luc Plastrier-Pitteloud (chronique)

Lustica est un roman historique de Jean-Luc Plastrier-Pitteloud. Publié aux éditions Héraclite en 2018, il a été préfacé par le chanteur contre-ténor Luc Arbogast. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’éditeur.

Voilà une lecture bien étrange, qui m’a envoûtée au point que je ne saurais en parler convenablement. J’écris cette chronique avec la crainte de ne pas parvenir à retranscrire la lumière qui en émane. Tout d’abord, qu’est-ce que Lustica ? Le livre a beau avoir été publié en 2018, il ne s’agit pas d’une histoire du XXIe siècle. Ce n’est pas de la littérature contemporaine. On aurait pu l’écrire huit siècles avant, elle réunit bien des thèmes de la littérature médiévale. Le langage utilisé en témoigne également.

Préfacé avec justesse par l’artiste Luc Arbogast, c’est d’abord un roman d’apprentissage, dans lequel « grandit » (dans son sens spirituel) le personnage principal, Arnault Chanteclair. Troubadour aimé des femmes et du vin, il est porté par sa liberté. Vagabond, il ne s’attache à rien ni personne et vit aventures et rencontres avec inconséquence. Il méprise la religion et le pouvoir. Il est l’observateur de son monde. Si au début il ne recherche que son bien-être personnel, ses errances l’entraînent progressivement sur des chemins plus escarpés qui lui permettent de s’élever spirituellement et d’accepter sa destinée. Il est question de Dieu, de Miséricorde, de Pardon. Dans l’univers médiéval, cela résonne juste. Il est d’ailleurs plutôt audacieux de faire de ce troubadour un sceptique avant l’heure – du moins au début de son périple.

Arnault Chanteclair est une personnification de la légèreté. Celle-ci n’est pas un élément forcément positif. Paradoxalement, le troubadour devra pour s’élever accepter sa pesanteur, celle des vies qui lui sont confiées, celle des conséquences de ses actes. S’il est primordialement le Mât, il devient Bateleur, l’arcane de la transformation. A moins que ce ne soit l’inverse.

Lustica est aussi un conte. Comme tous les contes, le lecteur évolue dans un univers aussi enchanteur que cruel. On y croise des personnages étranges : une sorcière, un nain bossu, des seigneurs irascibles. Les rencontres sont nombreuses et courtes. Arnault Chanteclair ne s’y attarde pas et quand bien même, on meurt aisément dans Lustica. On y meurt violemment, qu’on soit gente dame, enfant juive, jeune orfèvre ; on meurt de lèpre, ou sous la torture, ou les yeux arrachés.

Lustica est aussi un récit de femmes. La femme est un élément essentiel dont on conte l’histoire, jamais heureuse. Elle prend les traits de la dame, de l’enfant juive, de la sorcière, de la servante, de la bonne sœur, de la fille de joie, de la jeune femme naïve. Omniprésente. Enfin, il est fascinant de constater que la « faute » originelle, celle d’Arnault à l’égard de Brunelhide, correspond au début de son cheminement, bien qu’il n’en soit pas conscient, jusqu’à ce qu’il y soit ramené. Amusante aussi, l’histoire du parfumeur et de sa femme, qui fait écho d’une certaine manière à celle du Sire de Beausécourt.

Vous le comprendrez, Lustica mériterait une analyse bien plus longue et approfondie. Mais je crains de dénaturer cette œuvre singulière et puissante. Quoi qu’il en soit, elle restera longtemps dans mon esprit.

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