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Un sac, Solène Bakowski (chronique)

Un sac, thriller psychologique, a été d’abord autoédité en 2015. Les éditions Bragelonne s’en emparent en 2017 dans leur collection de poche Milady. Découvrez ce roman glaçant de Solène Bakowski ici.

Ce livre, dont j’avais entendu depuis longtemps le plus grand bien (notamment par la chronique de Vincent Lahouze). Je l’ai saisi dans un moment de distraction. Un peu à distance comme toujours lorsque je commence un roman et que je crains d’être happée par lui. Ma « crainte » s’est naturellement vérifiée en quelques pages à peine. Je n’ai plus dès lors quitté l’épouvantable thriller de Solène Bakowski, m’accrochant aux pages comme Anna-Marie à son sac.

Un sac, c’est l’histoire terrible et inéluctable d’une jeune femme hantée par son passé et son passif familial, hantée par sa mère, hantée par des fantômes qui, au fil des années et des meurtres, se font plus nombreux et plus puissants. Anna-Marie tue dans un brouillard, entourée de voix qui la commandent. Et surtout la voix, impérieuse et sinueuse, de la mère. Ombre de femme, absente physiquement de la vie d’Anna-Marie, la mère est cependant l’élément essentiel qui compose les abîmes de sa fille. Il faut dire que la vie d’Anna-Marie commence mal, très mal. Le lecteur pose un regard fataliste sur cette jeune fille : comment cela peut-il finir autrement ?

Il convient de mettre en garde le lecteur sensible : l’univers bakowskien est sombre, d’aucuns diraient glauque, sanglant, pervers. Pour ma part, Anna-Marie est le genre de personnages qui me fascine et qu’un psychiatre aurait sans doute plaisir à décortiquer. Dans les brumes meurtrières et visqueuses d’Anna-Marie, on peut reconnaître les symptômes de la schizophrénie ou de la psychose (mes connaissances dans ce domaine sont trop maigres pour me risquer à un diagnostic).

Dans les épisodes sanglants, elle se dépersonnalise, endosse le corps de sa mère (qui la possède, pense-t-elle), entend des voix, voit des fantômes, ne contrôle plus. Une part d’elle-même refuse, l’autre part commet les meurtres. Puis elle émerge, constate et n’en est pas ou peu affectée. Elle n’est pas bien fière, certes, mais ses émotions sont largement inhibées. A cela succède une période de soulagement à la perspective de commencer une nouvelle vie. La seule véritable source de souffrance, c’est ce sac.

A sa manière, Anna tente d’échapper à son destin. Dans une existence marginale, elle parvient à trouver un semblant d’équilibre, d’abord avec l’Ange puis seule. La relation entre elle et l’Ange est magnifiquement décrite et avec une grande justesse. L’espace d’un instant, je me suis demandée si Solène Bakowski ne s’était pas introduit subrepticement dans mes souvenirs. C’est dire comme Un sac prend le pas sur la réalité.

De la dérive de ce « monstre », dérive qui d’ailleurs demeure inachevée, on sort brisé, meurtri, abasourdi. Solène Bakowski n’épargne pas son lecteur. Elle vient troubler son équilibre et son esprit, suffisamment pour altérer sa raison et laisse dans son sillage l’âcre goût de la folie. Voilà un livre qu’en effet on ne peut oublier, et qui distille durablement ses charmes sombres. Un coup de maître.

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