Hier, 8 mars était la Journée Internationale des Droits des Femmes. Je n’ai pas eu le temps d’intervenir, aussi je le fais maintenant, d’autant que les droits des femmes sont à défendre toute l’année, pas seulement le 8 mars.
En soi, le fait de devoir encore défendre les droits des femmes est terrible. S’il faut les défendre, c’est qu’ils ne sont pas respectés. Toujours pas. Que des imbéciles, quel que soit leur genre, pensent encore qu’une femme doit être cantonnée à certains rôles spécifiques, et un homme à d’autres rôles, au prétexte de leur différence biologique.
La différence biologique
Pourquoi s’appuie-t-on sur cette différence biologique pour justifier tout et n’importe quoi ? C’est un postulat de départ tout aussi absurde que de dire que les blonds doivent être nécessairement banquiers et les bruns architectes. Que les yeux bleus sont des êtres doux et les yeux verts des personnalités inflexibles. En somme, on mélange tout : physique et psychique, hasard de la naissance et rôle social.
On a donc beaucoup évolué, depuis le Moyen-Âge ! Oui, vous savez, cette très longue période d’obscurantisme où on pensait que l’homme était solaire et sec quand la femme était lunaire, froide et humide. Remarquez, bien plus tard, au XIXe siècle, on a inventé l’hystérie, cette maladie prétendument provoquée par l’utérus. Allons bon, vous vous dites, tout cela est loin derrière nous. Depuis les femmes ont obtenu le droit de voter, de travailler, d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari, d’avorter, etc. Vrai, mais ces droits ne cessent d’être remis en cause, parfois même, souvent au prétexte d’aider les femmes.
Quelques exemples
Un exemple ? L’IVG, parce que je connais bien (et sur lequel j’ai écrit dans Elle s’appelait Micha). Une femme qui avorte, c’est toujours très mal vu. Si elle vit bien son choix, on la regardera de travers. Si elle le vit mal, on la regardera avec pitié. Les médecins anti-IVG sont encore très nombreux en France, et les groupes « pro-vie » pullulent, transformant le corps de la femme en sujet politique. Et combien de pays ont ces dernières années fait marche arrière sur le sujet ?
Mais est-ce étonnant ? Vous ne vous étiez pas aperçu que nous étions revenu à une vision sociétale de la femme étonnamment traditionaliste depuis le début du XXIe siècle ? La femme enceinte glorifiée, l’allaitement maternel préconisé (si fortement que celles qui souhaitent nourrir leur enfant au biberon sont parfois traitées comme des moins que rien dans les maternités), la maternité triomphante, les mères au foyer qui souhaitent obtenir une reconnaissance de leur travail à la maison (c’est justifié, mais c’est aussi symptomatique de l’évolution de l’image féminine), les mouvements Balance ton porc, Me too, qui même s’ils ont vocation à libérer la parole, ont aussi établi d’une certaine manière les rôles masculin/féminin : les hommes seraient des porcs, c’est dans leur nature, les femmes des victimes, c’est dans leur nature aussi.
Il y aurait tant à dire sur le sujet ! Des inégalités, il y en a partout. Comment se fait-il, par exemple, qu’une femme n’ose pas se promener seule la nuit, quand un homme n’a même pas à se poser la question ? Comment se fait-il que, quand elle le fait, on la regarde avec des yeux de hibou comme si elle était totalement inconsciente ?
La violence médicale
D’autres choses… On ne parle pas assez, et c’est regrettable, de ce que la nature impose aux femmes. Endométriose, règles, douleurs ovulatoires, grossesse et ses multiples conséquences, accouchement (souvent une boucherie), ménopause, etc. Les hommes ont de la chance de ne pas vivre cela, c’est une vraie belle chance que je leur envie.
On ne parle pas assez, et je le déplore, de la violence médicale qui entoure les femmes. Le fait qu’elles doivent tous les ans se faire tripatouiller le vagin par quelque gynécologue froid comme un tombeau, comme on fait la révision d’une voiture. Le fait que leur corps, parce qu’elles sont femmes, ne leur appartient pas tout à fait, et que certains médecins ne se privent pas de les malmener. Cela s’appelle des violences gynécologiques, et on commence enfin à en parler.
On pourrait parler, entre autres, du Cytotec, médicament destiné à soigner les ulcères gastriques, très longtemps utilisé pour les IVG, qui provoque des fausses couches et des hémorragies parfois graves. Interdit aujourd’hui, enfin, heureusement, mais seulement depuis le printemps 2018 ! On pourrait parler épisiotomie sans le consentement de la femme, soi-disant pour éviter les déchirures, mais aux conséquences parfois terribles.
Et le point du mari, vous connaissez ? Quand on recoud la femme un peu trop, au point de lui provoquer de terribles souffrances par la suite ? Je ne parle même pas de la pression que mettent certains gynécologues sur le dos des femmes au nom de leur horloge biologique, pour ensuite les traiter d’inconscientes quand elles ont arrêté la pilule sans faire 50 examens au préalable. Bref, il y aurait à dire sur les droits médicaux des femmes.
Pour conclure
Je n’ai pas de solution particulière à apporter. Tout ce que je peux en dire, c’est qu’à titre personnel, je ne me définis pas comme femme. Ou plus exactement je ne me définis pas uniquement par ce biais. C’est une donnée parmi d’autres, rien de plus, pas plus importante que mes cheveux blonds ou mes yeux bruns. Je ne crois pas à la prédestination, ni à aucune sorte de déterminisme. Je suis femme par le concours d’innombrables coïncidences. Un rien aurait pu me faire naître homme. Un rien aurait pu me faire naître ailleurs qu’en France, ou encore chat, canari, dromadaire.
Fière d’être femme ? Pourquoi serais-je fière d’une simple réalité biologique que je n’ai pas choisie ? Nous partons tous dans la vie avec des cartes en main, qui diffèrent selon les individus. La seule chose qui importe et dont nous pouvons être fiers, c’est la manière dont nous jouons ces cartes. En somme, ce que nous décidons de faire de notre vie, le peu de temps qu’elle dure.
A ceux et celles qui pensent qu’une femme ne peut être épanouie qu’en torchant des gosses et en faisant le ménage, qu’une femme doit être voilée, qu’une femme doit être fidèle à son époux, ou autre absurdité de ce genre, quel que soit le prétexte religieux, politique, social derrière lequel vous vous planquez, à ceux et celles qui font de leur opinion une vérité universelle, …occupez-vous d’abord de votre vie. Faites-en quelque chose qui vous convient, remettez en question les schémas établis, même si c’est inconfortable, expérimentez la liberté.
Cessez de vouloir définir la vie des autres. Et si vous vous obstinez dans l’idée que femmes et hommes sont nés ainsi pour des raisons particulières (divines, ou je ne sais quoi), que c’est la nature, que c’est comme ça, rappelez-vous que certains poissons changent de sexe au cours de leur vie. Les autres animaux, fort heureusement, ne sont pas aussi cons que les humains. C’est déjà une bonne nouvelle.