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Passe ou impasse ?

Le passe sanitaire. Pour certains, c’est le ticket d’entrée vers le seul salut possible ; pour d’autres, et j’en suis, le passeport pour une dystopie à la chinoise. Dans tous les cas, c’est une boîte de Pandore qu’il sera très difficile de refermer.

« Bienvenue dans la société de contrôle ! » pour reprendre les mots que Mathilde Panot a prononcés à l’Assemblée Nationale lors du vote sur le pass sanitaire. Sortez de chez vous, braves citoyens vaccinés ! Mais n’oubliez pas de scanner votre QR code le matin quand vous irez prendre votre petit-déjeuner au café, le midi au restaurant, l’après-midi pour votre rendez-vous hospitalier, le soir quand vous visiterez votre parent à l’EHPAD. Le samedi en emmenant les enfants à la piscine, le dimanche lors de votre virée au centre commercial. Les vacances dans le train, en avion, au camping, les jours de fête à l’entrée d’un concert ou d’un bal de village.

Pas de crainte ! Vos données sont confidentielles, parole de l’Etat ! Si vous croyez encore à cette parole-là. Vous êtes un bon citoyen solidaire, et si vous respectez nos nouvelles lois, vous ne craignez rien. Certes, le gouvernement sait à présent tout de votre vie, où vous allez et quand, qui vous côtoyez au café et combien de fois vous faites du sport par semaine, mais c’est pour votre bien. Oh certes, il avait les moyens de le savoir avant, mais cela lui demandait une logistique plus importante. Tandis que maintenant, il vous fait complice d’une surveillance généralisée. Vous êtes tous suspects !

Et tout citoyen modèle que vous êtes, si vous oubliez de scanner votre joli QR code, allez en prison, ne passez pas par la case Départ. Tous suspects, tous complices et tous délateurs. N’est-ce pas, messieurs les restaurateurs et autres professionnels contraints de vérifier les données médicales de vos clients ! Quel beau chapeau on vous fait porter là.

Pas d’inquiétude, le pass est temporaire, c’est inscrit dans la loi. Jusqu’au 31 décembre, pas un jour de plus. L’Etat vous le promet. Le même qui promettait de ne pas élargir le pass aux activités du quotidien. Le même qui depuis un an et demi recule la fin de son régime d’exception dès qu’il arrive à échéance. Côté passe, vous vous pensez du bon côté et rien n’est moins sûr. Vous voilà les petites cellules d’un grand système de surveillance numérique, celui que vous observiez à l’œuvre en Chine ou à Singapour auparavant et que vous pensiez impossible dans notre démocratie. Vous ne l’auriez jamais toléré avant cette crise, vous le louez aujourd’hui comme une évidence. Côté passe, vous êtes un QR code. Vos enfants sont des QR code. Le droit à l’anonymat est aboli. Côté passe, vous n’êtes plus personne. Rien.

Côté impasse, bienvenue dans le camp des réprouvés ! Citoyens de seconde zone qui cotisent pour des services publics auxquels ils n’ont plus accès, vous êtes les parias du nouveau monde. Adieu les bars, les restaurants, les piscines, parcs d’attraction, concerts, festivals, salons, bibliothèques, musées, cinémas, théâtres… Interdits aux chiens et aux non-vaccinés ! Vous avez des rendez-vous médicaux à l’hôpital, un IRM à passer ? Interdit. Soignez-vous seuls, faites un vœu et laissez les vaccinés entre eux. Votre parent est mourant à l’hôpital, ou bien il est en EHPAD ? Interdit. On vous laisse le téléphone, c’est toujours ça.

Notre président l’a bien dit : il est normal que vous n’ayez pas les mêmes droits. L’accès de tous à la culture est supprimé, l’accès à la santé aussi. L’emploi également, pour les malheureux qui subissent l’obligation vaccinale. On ne vous licenciera pas, mais on ne vous paiera plus, jusqu’à vous contraindre à la démission. Côté impasse, vous n’êtes plus des citoyens à part entière, et peu importe ce qui justifie votre non-vaccination.

Bien sûr, il vous reste les tests PCR ou antigéniques, jusqu’à ce qu’ils deviennent payants. En multipliant les risques d’être à un moment donné positif à un des tests, et traité en criminel, assigné à résidence, surveillé. Le fichier médical SI-DEP devient un fichier de police. Vous êtes coupable d’être porteur d’un virus. Cela n’aura qu’un temps, car avec la fin de la gratuité des tests et les avantages donnés aux vaccinés, qui ne seront plus cas contact contre toute logique, il y a fort à parier que la courbe des nouveaux cas va significativement baisser à l’automne. Jusqu’à l’apparition d’un nouveau variant du moins.

Côté impasse, vous avez toujours les mêmes devoirs, mais plus du tout les mêmes droits. Du mauvais côté de la barrière, vous devenez un bouc émissaire de premier choix. Vous prendrez sur vos épaules toutes les erreurs de gestion de la crise. Bien sûr, vous serez accusés de continuer à diffuser le virus et d’engendrer de nouveaux variants. Vous êtes le mouton noir qui cristallise les frustrations et empêche celles-ci d’exploser. Puisse le sort vous être favorable !

Quel pari audacieux notre président a fait ! Des mois que la colère gronde et agite sa population, lasse et désespérée. Le gouvernement nous a trouvé dans une illumination à la fois la solution (le passe) et la diversion (les non-vaccinés). La boîte de Pandore est ouverte. Pour un Etat, le pass est un formidable outil de contrôle et de pouvoir sur sa population. Pensez-vous qu’il l’abandonnera de bon gré le moment venu ? Il y aura toujours un prétexte pour en allonger la durée, et pour l’étendre encore davantage.

Nous avons vu ces dernières années, et en particulier depuis le début de la crise, un recul incroyable des libertés individuelles et collectives. L’Etat de droit sans cesse piétiné, comme la Déclaration des Droits de l’Homme et tous les textes fondateurs de notre démocratie. Avec l’adoption expéditive de cette loi, un cap est passé. Est-ce conditionné au virus ? Regardez en ce cas les différentes lois qui sont passées en un an. Sécurité globale, séparatisme, et combien de décrets, notamment de fichage. Ils ne s’arrêteront jamais, et cela n’a rien à voir avec la situation sanitaire.

On ouvre la porte tout, et pire encore. Lisez donc l’édifiant rapport présenté au Sénat en juin dernier : Crises sanitaires et outils numériques. Voyez jusqu’où on se propose d’aller. Le danger d’un pass sanitaire doit être détaché de la question vaccinale, car il ouvre des perspectives vertigineuses. A présent qu’il est adopté, pour combien de temps ? Ne peut-on l’étendre encore à d’autres activités ? Ne pourra-t-on le conditionner à de nouvelles obligations ? J’avais mis en garde l’an dernier quand tout le monde raillait l’échec de StopCovid et la mise en place de TousAntiCovid. L’exemple de Singapour était annonciateur.

Le pass, cet outil de surveillance généralisée, a de beaux jours devant lui. Il y aura toujours matière à le prolonger. Quant à nous, de quelque côté que nous soyons, c’est toujours une impasse. Celle d’un Etat policier, tous suspects, tous présumés coupables. Le bon citoyen est une donnée numérique, le mauvais n’a pas sa place en société. Etait-ce, amis idéalistes, ce que vous espériez du monde de demain tel que vous l’imaginiez en 2020 ? Ne reste que la révolte ou la fuite.

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