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Quel auteur suis-je ?

C’est un article de Laure Lapègue (servi par la plume admirable d’une auteur dont j’apprécie de plus en plus les écrits) qui m’a donné à réfléchir sur le sujet. Drôle de question, pour moi qui ai déjà tant de mal à résumer mes livres à ceux qui me le demandent. « C’est quel genre ? » J’ai de grandes difficultés à me cibler moi-même, alors je me tortille, réponds vaguement, consciente de mes lacunes.

L’auteur que je suis, une question tout aussi compliquée. J’ai publié cinq livres en deux ans, soit plus de deux par an. Je fume en écrivant (maintenant je vapote). Plus jeune, j’écrivais dans les bars, je le fais encore régulièrement, un café noir à portée de main. J’aime observer les vies qui passent, et j’aime m’abstraire d’elles. Je commence toujours un livre en l’écrivant à la main, sur un carnet. Sur des cahiers de brouillon ou des feuilles volantes quand j’étais adolescente, maintenant sur mon carnet-éventail.

Je ne sais pas pourquoi j’écris. Mais je sais que j’écrivais avant pour me distraire de mon ennui permanent, peut-être est-ce toujours le cas. Je luttais contre le désœuvrement par l’écriture. Je n’avais pas prévu d’être auteur, je savais toutefois que je n’étais faite que pour cela.

Aujourd’hui j’écris toujours et plus encore. J’en ai pris l’habitude et on pourrait penser que c’est devenu facile, à la longue. Ce n’est pas le cas, ce n’est pas facile. Chaque fois qu’un nouveau livre commence à naître, il y a l’angoisse de ne pas réussir à en venir à bout. Que, passée la phase réjouissante pendant laquelle je jette en vrac mes premières idées, je n’ai pas le courage ensuite de les organiser, de relier les idées entre elles pour en sortir quelque chose de construit.

Je dois confesser une certaine paresse. Ce ne sont pas les pensées qui manquent, mais j’éprouve un ennui à les ordonner, ce pourquoi sans doute j’écris des livres courts. J’ai le mot économe, c’est ce qu’on me dit.

Si j’ai tant de mal à parler de mes livres, c’est que j’en oublie au fur et à mesure le contenu. Cela peut sembler étrange mais j’ai souvent l’impression d’écrire en automate. Ce n’est pas délibéré de ma part. Très souvent, j’ignore ce que j’ai écrit jusqu’à ce que je relise.

Quand on se pose la question de l’auteur qu’on est, vient aussi celle de la personne qu’on est. Aux yeux des autres et à nos propres yeux. Les lecteurs ont tendance à assimiler l’auteur à ce qu’il écrit, comme si tout récit était nécessairement cathartique. L’auteur est un créateur, et par sa création il en devient personnage.

Pour peu que le lecteur soit un de vos proches, il vous demande des comptes. Il vous interroge. Pourquoi avoir écrit ceci et cela ? Il croit y deviner vos tourments, il vous pense prisonnier de vos obsessions littéraires.

Or, le lecteur oublie qu’il y a deux temps dans un livre : celui de l’écriture et celui de la lecture. Lire un livre équivaut à regarder une planète au télescope. Ce qu’on voit de la planète n’est que son passé. Même chose pour un livre. Lorsqu’il devient le présent d’un lecteur, il est déjà le passé de l’auteur, qui est dans l’écriture d’un autre livre. Comment se comprendre alors ? Les tempos diffèrent.

Vous pouvez lire ma bio mais le mieux est encore de demander aux autres. Hilda Alonso, merveilleuse artiste et personne, a fait de moi un portrait admirable intitulé La plume est scalpel. Je ne sais pas quel auteur je suis, mais, c’est certain, je m’efforcerai de ressembler à l’auteur qu’elle décrit.

2 commentaires sur “Quel auteur suis-je ?”

    1. Pour cela, il faudrait que je vous lise…
      Il est plus facile de définir un autre que soi-même. Ce qui ne signifie pas que ce serait objectif, donc mon avis sur la question ne vous serait pas d’un grand secours 😉

Les commentaires sont fermés.